Léopold LOKOSSOU : « Le développement des initiatives économiques est une préoccupation majeure…»
Monsieur LOKOSSOU Léopold, il est noté que depuis quelques années le ROPPA travaille énormément à la promotion des initiatives économiques alors même que sa principale mission qui est le plaidoyer au profit de l’agriculture familiale est toujours d’actualité vu les nombreux défis auxquels leurs transformations doivent faire face.
De sa création jusqu’en 2010, le ROPPA a essentiellement mené des actions de plaidoyer pour se faire entendre au niveau de la sous-région et au niveau international. L’objectif était de montrer en quoi les exploitations agricoles sont le levier du développement de l’agriculture en Afrique de l’Ouest. Pendant dix ans ce combat pour la reconnaissance de l’agriculture familiale a été si bien mené et des avancées notables peuvent être signalées au niveau des États que des institutions régionales en ce qui concerne la reconnaissance de l’exploitation familiale et de ses potentialités.
Malgré ces évolutions, fort est de constater que pour mener à bien les actions de plaidoyer, le ROPPA tout comme les Plateformes ont besoin d’avoir une assise économique. Les PTF qui soutiennent nos actions diminuent du jour en jour ce qui exige de nous que nous travaillons davantage dans le sens de l’amélioration de nos ressources à l’interne. C’est pour toutes ces raisons que l’assemblée générale a décidé à Grand Bassam en 2010 que le ROPPA travaille à la promotion des économiques.
Quelles sont alors les principales actions développées par le ROPPA pour promouvoir les initiatives économiques telle que recommandé depuis 2010 par l’assemblée Générale de Grand Bassam.
Le premier chantier auquel le ROPPA s’est attelé, est celui de la promotion des filières. Pour ce fait, quatre cadres ont été installés. Il s’agit des cadres riz, élevage, pêche, céréale. Quant au cadre horticulture, le processus d’installation est toujours en cours. Ces cadres fonctionnent dans l’objectif de promotion des filières à travers le développement des marchés au niveau de la sous-région et des États. Nous continuons toujours de travailler pour que ces cadres soient bien fonctionnels afin de pouvoir orienter leur objectif entre autre sur la mobilisation de ressource et de financement du réseau. Le ROPPA a aussi essayé de créer un espace d’échange que nous appelons forum des affaires. Ce forum a pour mission de mettre en contact les producteurs et les commerçants. C’est donc une plateforme régionale d’échanges, de mise en relation et de commercialisation des produits agricoles qui offre des opportunités de tisser des liens d’affaires au travers même des B2B qui s’y organise tout au long de la période du forum.
C’est aussi l’occasion pour les producteurs de rencontrer les banques et les institutions de micro finance. Il est déjà connu de tous que dans notre sous-région les banques sont réticentes par rapport au financement de l’agriculture. A travers l’organisation du forum des affaires, nous espérons que cela faciliterait les contacts entre ces institutions et nous.
En outre, le ROPPA facilite la participation des productrices et des producteurs agricoles à diverses foires nationales et régionales. Par exemple au cours de l’année passée, lors de la10ème édition de la foire internationale de l’indépendance du Bénin qui s’est tenue à Parakou, du 28 juillet au 13 août 2017, le ROPPA a financé la participation de cinq plateformes à cette foire : il s’agit des plateformes du Togo, du Bénin, du Mali, du Ghana et de la Gambie.
De même du 17 au 26 novembre 2017 le ROPPA a appuyé la participation de plusieurs organisations paysannes à prendre part au Salon International de l’Agriculture et des Ressources Animales ; un des plus grand rendez-vous de l’économie agricole en Afrique de l’Ouest qui s’est tenu à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
En dehors de ces actions directes, le ROPPA travaille depuis quelques années maintenant à la capitalisation des initiatives économiques réussies dans les différentes plateformes. Ainsi la capitalisation est un moyen de faire connaître les expériences économiques innovantes qui ont réussi afin de permettre à d’autres plateformes de les expérimenter. A cet effet, plus d’une trentaine d’initiatives économiques innovantes ont été déjà capitalisées.
Pensez-vous que les initiatives que développent les Plateformes bénéficient de l’appui nécessaire des pouvoirs public ou sont suffisamment soutenues par les dirigeants des États ouest-africains ?
Je dois dire que le niveau de commercialisation de nos productions nationales peut connaître une nette amélioration avec la volonté politique de nos dirigeants et plus précisément à travers les achats institutionnels. Car il n’est pas compréhensible, que dans nos pays respectifs que l’on continue d’acheter des produits importer pour approvisionner les garnisons, les prisons, les universités, les écoles alors que ces mêmes produits pèsent sur le bras des producteurs locaux faute de débouchés. C’est pour cela qu’au Bénin, nous avons entrepris un travail de plaidoyer dans ce sens afin que l’Etat qui dépense plusieurs milliards pour soutenir l’agriculture donne l’exemple à suivre en faisant de la consommation des produits locaux une réalité. On ne peut pas dire qu’on fait la promotion de nos filières et ne pas garantir un marché d’écoulement des produits à l’interne alors même qu’on a la possibilité.
La promotion des filières et le développement des initiatives économiques ne sauraient devenir une réalité sans un financement agricole adapté. Sur ce chantier, quelles sont les actions entreprises par le ROPPA pour l’amélioration du niveau de financement de l’agriculture dans la sous-région ?
Vous n’êtes pas sans savoir qu’après la terre qui est le premier facteur de production, le financement agricole est le second facteur. C’est dire que pour réussir dans l’agriculture, la première des choses c’est la terre, mais cette terre ne peut pas être mise en valeur sans ressource financière. Or il est un secret de polichinelle que les conditions appliquées par les banques et les institutions financière ne sont pas adaptées aux activités agricoles. C’est donc conscient de cette situation que dans le souci de soutenir les initiatives économiques, le ROPPA a fait un grand plaidoyer pour la création du Fonds Régionale de Développement Agricole (FRDA). Certes ce fonds n’est pas encore fonctionnel mais au niveau de la sous-région l’idée de la mise en place de ce fonds est déjà un acquis. Le moins qu’on puisse dire aujourd’hui est que ce fonds est reconnu par l’ECOWAP qui est la politique agricole de la CEDEAO. De même au niveau de nos Etats, il est recommandé que ce fonds soit décliné. Au Bénin, nous y travaillons énormément et nous pensons qu’à partir de l’année prochaine, ce fonds sera véritablement opérationnel pour faciliter l’accès des agriculteurs familiaux aux crédits à travers la bonification des taux d’intérêts, les subventions aux investissements structurants, etc.
Au début de cette année, le ROPPA a commandité une série d’études intitulée « diagnostic et analyse des mécanismes de financement du secteur agricole et rural au Benin, Côte d’Ivoire, Nigeria et Togo » pour faire un état des lieux des fonds de développement existants ou en cours de création dans les différents pays de sous-région afin de disposer des argumentaires pour conduire le dialogue entre les OP et les décideurs politiques sur la question des fonds. Aussi, cette recherche constitue-t-elle, pour le ROPPA et ses plateformes nationales, une opportunité de vérifier si les fonds, tels qu’ils sont conçus, peuvent effectivement favoriser la modernisation des exploitations familiales agricoles et répondre à leur ambition d’être plus et mieux présentes sur les marchés pour « nourrir les villes africaines ».
Merci M. Léopold LOKOSSOU
C’est moi qui vous remercie.